Sorrorités américaines: simple tradition ou pacte démoniaque ?
- Jessy Diandra
- 20 juin
- 9 min de lecture
Il y a 20 ans le public francophone a découvert, fasciné, l’univers des HBCU (Historically Black Colleges and Universities) à travers le prisme du cinéma, des réseaux sociaux et de la pop culture afro-américaine. Des films cultes comme Drumline, Stomp the Yard, School Daze de Spike Lee ou encore le documentaire-concert Homecoming de Beyoncé, ont offert un aperçu vibrant de la vie étudiante noire aux États-Unis, marquée entre autres par une tradition : celle des fraternités et sorrorités.
Ces organisations, regroupées sous le nom de Divine Nine (étant au nombre de 9), ne sont pas de simples clubs étudiants. Elles sont un socle historique et identitaire très significatif pour les afroaméricains. Nées dans un contexte de ségrégation raciale, elles ont permis à des générations d'étudiants afro-américains d'accéder à des réseaux de soutien, de leadership, de mentorat et de mobilisation communautaire. Être accepté en tant que membre de l'une d'entre elles est, pour beaucoup, un honneur et un accomplissement.
Raison pour laquelle, depuis plusieurs siècles, des générations d'étudiants se battent pour côtoyer leurs membres, allant d'Oprah Winfrey (Delta Sigma Theta, honoraire), à l'ancienne vice-présidente Kamala Harris (Alpha Kappa Alpha), en passant par la chanteuse Fantasia Taylor, initiée chez les Sigma Gamma Rho.

L'appartenance à une sorrorité est synonyme de fierté, d'identité et de tradition. C'est une alliance que les membres contractent à vie.

Mais dans l’ombre de cette admiration, un phénomène émerge: celui de femmes chrétiennes, qui, après une conversion ou une réalisation personnelle, choisissent de rompre publiquement avec leur sorrorité. Excès de zèle ou décision légitime ? Loin des polémiques j'ai décidé d'explorer cette tension entre héritage culturel et foi chrétienne à la lumière de ce que dit la Bible.
Sorrorités noires : une histoire d’héritage, de résistance et de pouvoir
Les fraternités et sorrorités afro-américaines sont nées au tournant du XXe siècle, dans une Amérique encore profondément marquée par la ségrégation. Les étudiants noirs, exclus des organisations blanches traditionnelles, ont fondé leurs propres institutions d’influence, en s’inspirant de modèles gréco-latins tout en les adaptant à leurs réalités culturelles.
La toute première, Alpha Phi Alpha, voit le jour en 1906. Viendront ensuite des sorrorités comme Alpha Kappa Alpha (1908), Delta Sigma Theta (1913), Zeta Phi Beta (1920), ou Sigma Gamma Rho (1922). Ensemble, ces neuf organisations formeront plus tard ce qu’on appelle la Divine Nine, sous la bannière du National Pan-Hellenic Council (Conseil Pan héllénique).
Leurs objectifs? L'excellence académique, l'engagement civique, le leadership et l’élévation des communautés noires. Elles ont été des forces vives dans les mouvements des droits civiques, dans la lutte contre la pauvreté et dans la formation de leaders à tous les niveaux.
Le processus d’intégration à ces sorrorités comprend souvent des phases de sélection, d’apprentissage, de rites symboliques et d’initiation. Si certaines organisations ont depuis modernisé ces pratiques, leur dimension rituelle, symbolique demeure toujours présente et célébrée.
Pour beaucoup de femmes noires, entrer dans une sorrorité, c’est rejoindre une lignée d’héritières, s’ancrer dans un réseau d’excellence, de pouvoir et de protection. Mais que se passe-t-il lorsque ce réseau entre en contradiction directe avec notre foi en Christ ?
Les origines du conflit
Depuis peu, de nombreuses femmes chrétiennes actives dans ces sorrorités affirment vivre un inconfort spirituel. Ce ne sont pas les valeurs de service, d’amitié ou d’excellence qui posent problème, mais certains aspects spirituels intégrés aux rituels ou aux symboles.
On y trouve :
Des serments d’allégeance à des lettres grecques
Des chants qui attribuent amour, paix ou bonheur à l’organisation
Des prières adressées à des "esprits éternels" non nommés
Des initiations reprenant des symboles de divinités grecques
Un processus d'intégration qu'on appellerait bizutage en France mais s'apparentant à des rituels d'humiliation, dangereux et dégradants pour leurs participantes
Une culture du secret incompatible avec la vérité et la justice que nous recommandent l’Évangile de Jésus Christ
Ces éléments apparentés à de l’idolâtrie ou au syncrétisme spirituel, c’est-à-dire le mélange de plusieurs systèmes religieux ou croyances sont pourtant des pratiques que la foi chrétienne condamne.
Comme le dit Jésus dans Jean 14:6 :
« Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. »
Et dans 2 Corinthiens 6:14–17 :
« Quel rapport y a-t-il entre la lumière et les ténèbres ? (...) C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux et séparez-vous, dit le Seigneur. »
Mais aussi et surtout, ce commandement demeurant inchangé de la part de Dieu, rappelé dans Matthieu 22:37 - 38
Jésus lui répondit: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C'est le premier et le plus grand commandement.…
Lorsque l'on tient compte de ces deux réalités, il est tout à fait normal qu'un conflit interne puisse surgir dans l'esprit de ces jeunes femmes. Parce qu'aux questions "peut-on servir deux allégeances ? Peut-on prêter des serments qui ne placent pas Dieu en premier sans compromettre sa foi ?", la réponse que donne la Bible est radicale: non.
Le point de rupture
La première voix à avoir attiré l’attention sur ce sujet, c’est Zora Sanders, ancienne membre des Alpha Kappa Alpha, elle publie en 2021 une vidéo-témoignage sur YouTube dans laquelle elle explique, Bible en main, pourquoi elle a renoncé à sa sorrorité après une intense période de prière et de jeûne. Elle décrit avoir reçu une révélation claire : rester affiliée à l'organisation n’était pas compatible avec sa foi en Jésus-Christ.
Sa vidéo, très posée, très documentée, a marqué le début d’un mouvement. Pour beaucoup, elle a été l’étincelle qui a permis à d'autres de mettre des mots sur un inconfort spirituel qu’elles ressentaient depuis longtemps.
« Il ne s’agissait pas d’un rejet de la culture noire ou de mes sœurs. C’était une réponse à un appel spécifique du Saint-Esprit. »
Zora Sanders soulève plusieurs points précis :
La présence de figures de divinités grecques dans les symboles officiels
Des chants qui attribuent à la sorrorité des choses que seul Dieu mérite
La tension entre une allégeance spirituelle exclusive à Christ, et les vœux prêtés lors de l’initiation
Depuis, Zora a été soutenue, critiquée, débattue, mais jamais ignorée. Elle a également pris position contre la culture de l’omerta au sein de certaines fraternités, insistant sur la nécessité de « tout éprouver et retenir ce qui est bon » (1 Thessaloniciens 5:21).
Britney Janine, quant à elle, a suivi une trajectoire plus progressive. Membre de Zeta Phi Beta depuis 2006, elle raconte que son choix n’était pas vraiment le fruit d’un rêve d’enfance ou d’un héritage familial. C’est plutôt l’influence d’une amitié sincère qui l’a attirée. Malheureusement, ce qui devait être pour elle une expérience de sororité s’est transformé, avec le temps, en une réalité marquée par la pression, l'exclusion et la déception.
« Ce n’était pas les couleurs ou les lettres. C’était les gens. »
Avec le recul, elle évoque un certain détachement, puis une conviction spirituelle nette :
« Nous chantions : "Tout mon amour, ma paix, mon bonheur, je le donnerai à Zeta." C’est de l’idolâtrie à l’état pur. »
Elle a finalement choisi de restituer tous ses effets personnels au siège national, accompagnés d’un acte de renoncement officiel :
« Je voulais que Dieu sache où je me situe. Je mets Christ au-dessus de cette culture. »
Dans une vidéo détaillée, la youtubeuse Authentically Bri revient en détails sur les rituels qui l'ont motivée à prendre cette même décision.
Dans son témoignage, elle décrit des rituels d’intégration tels que les “Nuits de l’enfer” et la “Maison de l’enfer”. Des épreuves humiliantes, mêlant pressions physiques, psychologiques et spirituelles. Elle questionne également l’affiliation à des divinités païennes, notamment Minerva, et dénonce les serments et alliances qui entravent l'appartenance à Christ.
D'autres anciennes membres, comme LaLa Jenkins, sont sorties de l'ombre pour partager leur témoignage personnel à ce sujet. Dans cette vidéo, elle dénonce les même rituels secrets et l’influence spirituelle occulte au sein des Alpha Kappa Alpha, autre illustre membre des Divine Nine, qu'elle estime comme des organisations affiliées à la franc-maçonnerie. Elle y déplore combien ces rituels ne sont pas de simples traditions culturelles, mais qu’ils contiennent des pratiques occultes (symboles, invocations, serments) ayant un impact direct dans la vie de ses membres.
Pour LaLa Jenkins, il s’agit d’un véritable combat spirituel : elle invite toutes les chrétiennes concernées à ouvrir les yeux sur ces aspects cachés, à ne pas sous-estimer leur gravité, et surtout, à rester fermes dans leur engagement envers Jésus Christ seul.
Son message s’inscrit dans cette dynamique plus large d’un réveil spirituel où de nombreuses femmes afro-américaines choisissent de rompre avec ces organisations quand leur foi leur commande une séparation nette.
Enfin, dans une vidéo datant de l'année dernière, la rappeuse et créatrice de contenu Anike raconte, elle aussi, comment le Saint-Esprit lui a montré que son affiliation n’était plus acceptable dans sa marche chrétienne.
Elle met le doigt sur un élément essentiel : le syncrétisme, ce constant mélange spirituel où l’on trouve dans les rituels des éléments bibliques aux côtés de prières adressées à des “esprits éternels” ou des symboles liés aux dieux grecs. Elle cite Jean 14:6 pour rappeler la radicalité du message du Christ :
« Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. »
Mon avis
Après avoir mené plusieurs recherches à ce sujet, je remarque plusieurs choses:
Toutes celles ayant renoncé sont capables de justifier leur choix bibliquement
Aucun des rituels d'initiation mentionnés ne sont inventés, la plupart étant accessible à tous en quelques clics
Le reproche leur étant fait n'est pas tant le fait de quitter, mais de le faire en dénonçant publiquement leurs pratiques.
Et pour toutes ces raisons, je crois profondément que ces femmes ne sont pas dans l’excès, mais la raison. Et je salue le courage dont elles ont fait preuve en choisissant de publiquement affronter des institutions établies depuis si longtemps, comptant parmi leurs rangs beaucoup de puissants de ce monde. Elles ont renoncé pour choisir d'être fidèles à Jésus Christ, et ce choix, incompréhensible pour certains, mais profondément cohérent avec leur foi, leur a valu le rejet de plusieurs.
Ce qui me rappelle ce que Christ recommande à tous ceux qui choisissent de le suivre dans Matthieu 16:24-25:
Alors Jésus dit à ses disciples: Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera.25 Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera."
Quand on suit Christ, on ne peut pas suivre Minerva, Dyonisos, ou Zeus. Le seul fardeau que nous portons est celui de l'Évangile. Notre seul autel sacrificiel est celui de la Croix. Et ces femmes ne l'ont pas seulement compris. Elles ont fait le choix d'ajuster leur vie selon cette vérité. Alors oui, on pourra dire que ce choix peut paraître radical... Mais Jésus lui-même, à plusieurs reprises, nous a appelé à rejeter toute forme de compromission de manière ferme.
On en trouve un parfait exemple dans Matthieu 5:29 :
« Si donc c'est à cause de ton œil droit que tu tombes dans le péché, arrache-le et jette-le loin de toi: il vaut mieux pour toi perdre une seule partie de ton corps que d'être jeté tout entier dans l'enfer. Si c'est à cause de ta main droite que tu tombes dans le péché, coupe-la et jette-la loin de toi: il vaut mieux pour toi perdre un seul membre de ton corps que d'aller tout entier en enfer. »
Ce verset, dur à entendre, prend tout son sens dans leur décision. Elles ne rejettent ni leurs sœurs, ni leur histoire. Elles choisissent simplement de ne garder que ce qui honore Dieu.
Et au fond, n’est-ce pas là l’appel de tout croyant ? Renoncer à ce qui nous définit socialement si cela devient une entrave à notre vie en Christ.
Elles ne condamnent pas. Elles obéissent. Elles ne attaquent pas. Elles témoignent.
Et dans un monde où la foi est souvent diluée pour ne pas déranger, leur posture est peut-être, oui, radicale — mais radicalement pour Christ.
Et vous ?
Avez-vous déjà été confronté·e à un choix difficile entre votre foi et une loyauté culturelle, familiale ou sociale ? Que penser de ces femmes qui ont tout quitté, non par rejet, mais par conviction spirituelle ?
La discussion est ouverte. Parlons-en.
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