De l'esthétique au Buzz: les dangers de la "Christian Girl Aesthetic"
- Jessy Diandra
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture
Depuis quelques années, une esthétique visuelle et lifestyle venue des États-Unis a gagné du terrain sur les réseaux sociaux : la Christian Girl Aesthetic. Robes longues, Bible rose pastel, café latte avec un verset du jour, ambiance minimaliste et captions à base de "God is good". Cette esthétique, qui mêle valeurs chrétiennes et codes visuels d’Instagram et de TikTok, génère des millions de vues. Sur TikTok, les hashtags comme #ChristianGirl ou #GodFirstLifestyle dépassent les 300 millions de vues cumulées.

Mais le succès marketing de cette tendance me pousse à se cache un vrai questionnement spirituel : cette mise en scène de la foi est-elle une manière authentique de vivre sa relation avec Christ, ou devient-elle un outil de performance chrétienne ou de re-branding (pour personnes "problématiques") ? Alors que la tendance se répand dans la sphère francophone, il est essentiel d’en comprendre l’origine, les ressorts et les dérives possibles.
L’origine du mouvement
La “Christian Girl Aesthetic” naît aux États-Unis, dans le sillage de plusieurs mouvements :
Le retour à une féminité plus traditionnelle, influencée par la trad wife aesthetic ;
La montée du contenu chrétien chez les influenceuses lifestyle post-2015, notamment dans le sud des États-Unis ;
L'explosion du mouvement clean girl , qui valorise une vie ordonnée, saine, et “esthétiquement plaisante”.
À la base, c’est une tentative sincère de rendre la foi visible dans le quotidien. Des jeunes femmes chrétiennes y voient une manière de témoigner avec douceur, beauté, et alignement personnel.
Une niche qui trouve sa place dans le marketing d'influence
Dans l’économie de l’attention, cette esthétique devient une niche lucrative.
Des marques comme Daily Grace Co ou Hosanna Revival aux États-Unis génèrent des millions de dollars grâce à des produits au design léché (Bibles, journaux de prière, carnets). L’influenceuse chrétienne devient une ambassadrice de style et de foi, mais souvent dans cet ordre.
L’internaute moyen peut alors se mettre à confondre esthétique et vie de sanctification.
Le problème ? Une foi photogénique peut rapidement remplacer une foi profonde.
L'arrivée de cette tendance dans la francophonie
Depuis 2022, on observe une montée du phénomène chez les créatrices francophones :
Des vidéos “morning routines” avec lecture biblique + café
Des reels de prière dans des décors stylisés
Une multiplication des contenus autour du journaling chrétien (souvent inspirés de modèles américains)
Les hashtags comme #chrétienne, #routinechretienne, ou #dieuavanttout prennent de l’ampleur. Et si certains contenus sont profondément édifiants, d’autres semblent cocher des cases esthétiques sans réelle substance spirituelle.
On entre alors dans une nouvelle phase : la monétisation de la foi chez les créatrices afro et francophones. C’est nouveau, et c’est pourquoi il faut en parler avec vigilance.
Les limites de cette tendance
1. La superficialité spirituelle.
On peut avoir l’air “chrétienne” sans être transformée par Christ. Cela peut même devenir une forme de spiritual bypassing — contourner les vrais combats intérieurs par une mise en scène constante.
2. Un évangile édulcoré.
Pour rester dans une ambiance “cozy” et douce, certains contenus évitent les vérités difficiles : repentance, sanctification, croix, etc. Or, l’Évangile est radical avant d’être Instagrammable.
L'évangile est radical avant d'être "instagrammable"
3. La pression de performance.
Quand on confond foi et esthétique, on commence à croire que Dieu nous aime plus quand notre feed est harmonieux. Cela pousse certaines créatrices à créer pour être perçues comme chrétiennes, et non à partir de leur relation réelle avec Dieu.
4. L’auto-exploitation.
Certaines créatrices finissent par s’épuiser spirituellement à force de vouloir “produire pour Dieu” plutôt que “marcher avec Dieu”.
Ma conclusion
La “Christian Girl Aesthetic” n’est pas mauvaise en soi. C’est un langage culturel et une formidable opportunité pour les créatifs chrétiens, que j'affectionne particulièrement. Le problème survient quand elle devient un substitut à la présence réelle de Dieu.
En tant que créatrices de contenu chrétien, nous avons une responsabilité :
Ne pas troquer notre intimité avec Christ contre de l’engagement.
Produire à partir de la prière, pas de la pression.
Rappeler que ce n’est pas notre esthétisme qui glorifie Dieu, mais notre obéissance, notre humilité et notre vérité.
L’Évangile n’a pas besoin d’un filtre. Il est déjà puissance.
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